Supplier data management : quelle maturité de votre entreprise sur la fonction Achat ?
Nous avons réalisé un benchmark comparant plusieurs entreprises de différentes tailles et appartenant à de multiples secteurs d’activité, afin de mettre en évidence les caractéristiques structurantes de la gestion des données fournisseurs (supplier data management).
Notre analyse montre que la segmentation de la gestion des données fournisseurs au sein des entreprises peut être analysée autour de deux dimensions principales :
- La profondeur du référentiel de données de base des fournisseurs tout au long de leur cycle de vie (soit des données de base : adresse postale, coordonnées bancaires ; soit des données plus spécifiques : informations sur la qualification des fournisseurs, données RSE, etc.),
- La maturité et l’importance du département Achat dans l’organisation, comparativement au poids de la fonction Finance dans les processus achat.
Sur la base de ce benchmark, nous distinguons trois groupes distincts :
- Les organisations de gestion des données fournisseurs « Finance Only », dans lesquelles seules la validation et la contractualisation du fournisseur sont gérées par le département Achat, alors que le mandat pour contracter avec les fournisseurs, la gestion des données financières et la gestion des données plus globales sont gérées par la Finance ;
- Les organisations de gestion des données fournisseurs « Shared Finance & Procurement », dans lesquelles le travail de qualification et de gestion du panel fournisseurs sont des activités nouvellement créées et gérées par la fonction Achat, signant la professionnalisation accrue de la gestion des fournisseurs ;
- Les organisations de gestion des données fournisseurs « Procurement Only », dans lesquelles l’ensemble du processus de gestion des données fournisseurs est géré par le département Achat. Dans les plus matures d’entre elles, les ERP de l’entreprise ne sont alimentés que par des systèmes intégralement gérés par les départements Achat eux-mêmes (certaines des organisations conservant cependant au sein de la Direction Finance la création d’un nouveau fournisseur dans le référentiel ou les données financières et bancaires).
La position des deux dimensions 1. profondeur du référentiel de données de base des fournisseurs / 2. maturité et importance du département Achat dans l’organisation est en fait largement un produit de l’histoire : à l’origine, les fournisseurs étaient entièrement gérés par le département Finance, avec une quantité limitée de données.
Puis, au fur et à mesure que le département Achat s’est développé et structuré, les données relatives aux fournisseurs se sont elles-mêmes développées sous l’impulsion du département Achat.
Cette évolution se fait généralement en deux temps : la partie strictement bancaire est d’abord conservée par le département Finance, pour être ensuite totalement intégrée par le département Achat lorsqu’il aura atteint sa pleine maturité.
Dans ce cas, le processus achat peut entièrement être géré par le département Achat, et l’entreprise gagne largement en professionnalisation et en maitrise du poste achat.
Notre étude permet d’établir cependant que toutes les entreprises ne font pas le choix de basculer vers une organisation dans laquelle l’ensemble des données sont traitées par le département Achat.
Ainsi, les organisations de gestion des données fournisseurs « Finance Only » sont caractérisées par une part des achats importante dans la valeur ajoutée de l’entreprise. A contrario, les entreprises qui ont une moindre part des achats dans la valeur ajoutée dans l’entreprise demeurent des organisations « Shared Finance & Procurement » dans leur gestion des données fournisseurs (une partie de la qualification et de la création des fournisseurs dans l’ERP reste gérée par la Finance, au même titre que la gestion des données bancaires, notamment).
Notre analyse montre également que, plus l’entreprise a une dimension industrielle forte, et plus la fonction Achat jouent un rôle prédominant dans la gestion des données fournisseurs. A l’opposé, dans les services, le poids de la Finance demeure forte, ce qui se traduit par une part des données fournisseurs encore gérée par ce département.
Enfin, une autre dimension doit également être prise en compte pour appréhender la part des données fournisseurs respectivement gérés par la Finance ou la fonction Achat : le caractère éclaté de l’entreprise. Lorsque celle-ci est composée d’une myriade de raisons sociales, la dimension financière est forte dans le pilotage global de l’entreprise et la gestion des données fournisseurs (on a ainsi étudié une ETI qui comptait plus de 250 sociétés, malgré une taille somme toute modeste). Quand, au contraire, l’entreprise est resserrée, le département Achat joue un rôle plus prégnant, indépendamment de la diversité des domaines d’activités (ainsi, un groupe technologique majeur, composé de 5 business lines pourtant très distinctes, ne compte que 70 raisons sociales, et gère l’ensemble de ses données fournisseurs par la fonction Achat).
L’histoire n’est cependant pas terminée avec la porosité croissante des organisations, qui voient les contours des entreprises se complexifier : un client important est parfois un fournisseur tout aussi clé, des joint-ventures sont nouées entre des entités qui n’étaient jusqu’à lors que clients et fournisseurs.
Dans cette perspective, comment va évoluer la gestion des données fournisseurs ? Dans un contexte où la facture électronique se développe grandement par le poids réglementaire, ne va-t-on pas parler de moins en moins de référentiel client / fournisseur, au profit de référentiel de tiers ? Pourquoi même à terme différencier les flux entrants des flux sortants (procure to pay versus order to cash), et ne pas analyser les seuls flux financiers ? Si les ERP sont prêts pour gérer cette évolution, les organisations (commercial, achats, finance, supply chain) qui travaillent en silos vont devoir mener une importante transformation pour appréhender cette nouvelle complexité.